Pourquoi Gênes est l’âme sous-estimée de l’Italie : mon voyage inattendu

Je me souviens très bien du moment où j’ai décidé d’aller à Gênes. J’étais installée à la terrasse d’un café à Milan, en train de parcourir les cartes et les horaires de train sur mon application Omio. Il me restait cinq jours de liberté avant mon vol retour depuis Nice, et je voulais un endroit différent, loin des foules de Florence, des selfies de Venise ou des files d’attente romaines. C’est là que j’ai vu Gênes, sur la côte ligure, entre mer et montagne. Je n’y avais jamais pensé auparavant.

J’ai pris un billet de train pour 12€, réservé un hôtel sur Booking.com, et deux jours plus tard, je débarquais à la gare de Genova Piazza Principe. C’était le début d’un coup de foudre total.

Une ville dérobée au regard touristique

Gênes n’est pas une ville qui se donne facilement. Elle n’est pas Instagrammable au premier coup d’œil. Ses beautés sont cachées, subtiles, souvent dissimulées derrière des façades sombres ou des ruelles étroites. Mais c’est justement ce mystère qui m’a fascinée. C’est une ville qui réclame que l’on y entre doucement, comme dans une conversation intime.

Le premier matin, j’ai flâné dans les caruggi, ces ruelles étroites du centre historique. Entre linge suspendu aux fenêtres, vieilles pierres et parfums de focaccia, je me suis sentie transportée dans un autre temps. Rien n’est lisse à Gênes, tout est réel, brut, avec une intensité presque charnelle.

Je me suis arrêtée au Panificio Mario, Via San Bernardo 32, pour une tranche de focaccia encore tiède (2€ seulement) que j’ai dégustée sur les marches de l’église San Donato. C’était simple, mais parfait.

Les trésors cachés de Gênes : mes coups de cœur

1. La Via Garibaldi et ses palais de la Renaissance

Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, cette rue est un rêve pour les amoureux d’art et d’architecture. Les Palazzi dei Rolli sont des demeures nobles qui accueillaient les visiteurs prestigieux au XVIe siècle. On peut en visiter plusieurs :

  • Palazzo Rosso, Palazzo Bianco, Palazzo Tursi – ils forment un circuit muséal unique. J’ai pris un billet combiné pour 9€, réservé sur GetYourGuide, qui donne accès aux trois bâtiments.

Les fresques, les tapisseries, les vues sur les jardins suspendus… c’était éblouissant. J’ai même vu un Rubens et un Caravage, à Gênes !

2. L’ascenseur panoramique de Spianata di Castelletto, de nuit

J’y étais déjà montée en journée, profitant d’une belle lumière dorée sur les toits de Gênes, mais une nuit, presque par hasard, j’y suis retournée. Il faisait doux, la ville semblait sommeiller doucement sous un ciel d’encre parsemé d’étoiles. L’ascenseur, avec son charme un peu rétro, m’a hissée dans un silence presque solennel. À l’arrivée, j’ai découvert un panorama nocturne à couper le souffle : la ville, baignée de lumière dorée, s’étalait comme une mer d’étoiles terrestres. Les clochers brillaient au loin, les ruelles semblaient s’entrelacer comme des veines lumineuses, et dans le port, les bateaux luisaient doucement, bercés par l’eau noire. Je suis restée là longtemps, seule, sans parler, à écouter les bruits feutrés de la ville. C’était presque irréel. Le contraste entre la vivacité diurne de Gênes et cette quiétude nocturne m’a bouleversée. Un moment suspendu, une parenthèse enchantée, comme si la ville avait soudain décidé de me révéler un secret.

3. La crypte de la cathédrale San Lorenzo

Moins visitée que la nef principale, la crypte m’a semblé être un sanctuaire oublié. J’y suis descendue par une petite porte discrète, presque cachée. Dès les premiers pas, j’ai été enveloppée par une atmosphère mystérieuse, dense, comme si les pierres elles-mêmes respiraient les siècles passés. Les fresques, aux teintes effacées, racontaient silencieusement des histoires anciennes. L’éclairage tamisé accentuait les ombres et les reliefs, transformant l’espace en un théâtre de mémoire. On entend à peine ses pas, chaque mouvement semble faire partie d’un rituel ancien. C’est un lieu où le temps semble suspendu, où l’on sent la foi, la peur, la paix de ceux qui ont prié là. Je suis ressortie changée, apaisée, comme si j’avais touché quelque chose d’invisible et de sacré.

Une âme maritime qui résonne encore

En marchant vers la mer, j’ai senti l’appel de l’eau. À Gênes, tout revient au port. Il est l’origine et la fin de tout. L’odeur salée, le cri des mouettes, les silhouettes des cargos à l’horizon — tout cela évoquait pour moi un passé glorieux, un empire maritime oublié, mais dont les échos résonnent encore dans chaque ruelle.

Je me suis assise sur un banc près du Galata Museo del Mare, un musée fascinant sur l’histoire maritime de la ville. J’y ai passé près de deux heures, totalement captivée. On y trouve des maquettes de galères génoises, des instruments de navigation, et même une reconstitution grandeur nature d’un navire d’émigrants italiens du XIXe siècle. C’était émouvant, car on comprend que Gênes n’a pas seulement exporté de la marchandise, mais aussi des vies, des rêves, des adieux.

Le billet d’entrée coûtait 17€, que j’ai réservé à l’avance sur Civitatis. Et franchement, chaque centime en valait la peine.

Une cuisine sincère, enracinée, inoubliable

C’est à Gênes que j’ai découvert le vrai goût du pesto alla genovese. Pas celui que l’on achète en pot, non, mais une pâte presque spirituelle, réalisée avec du basilic frais de Pra’, des pignons, de l’ail, du parmesan et de l’huile d’olive locale. J’ai suivi un cours de cuisine dans une trattoria familiale, Le Mani in Pasta, pour 45€, réservé via Airbnb Experiences. C’était une révélation.

Nous avons pilé les ingrédients au mortier, parlé de traditions, goûté des vins blancs de la région — notamment le Pigato, fruité et minéral. Ensuite, nous avons préparé des trofie, ces petites pâtes torsadées typiques de la Ligurie. Je les ai mangées brûlantes, nappées de pesto, dans un silence religieux. Le genre de plat qui guérit tout.

Et chaque soir, je trouvais une table avec vue. L’un de mes meilleurs souvenirs reste le dîner sur la terrasse de La Bitta, un restaurant discret sur la colline de Righi. Là, sous les étoiles, avec les lumières du port en contrebas et un verre de Vermentino à la main, j’ai compris que Gênes m’avait envoûtée.

L’élégance oubliée du quartier de Nervi

Un matin, j’ai pris le train direction Nervi, un ancien village de pêcheurs à l’est de Gênes, aujourd’hui intégré à la ville. En quinze minutes depuis la gare de Brignole, on change de monde. Ici, les palmiers bordent les promenades, les villas Liberty se reflètent dans l’eau, et le sentier Anita Garibaldi longe la falaise sur presque deux kilomètres.

Je me suis promenée en robe d’été, cheveux au vent, en écoutant les vagues s’écraser contre les rochers. J’ai pique-niqué sur un banc face à la mer — focaccia aux oignons, tomates cerises, et une bouteille d’eau pétillante achetée au petit alimentari local. Il n’y avait rien d’extraordinaire, et pourtant tout était parfait.

Nervi abrite aussi des musées charmants dans les villages historiques du parc de Villa Grimaldi. J’ai visité le Musée Luxoro, consacré aux arts décoratifs, et le Musée d’Art Moderne, dans la Villa Saluzzo Serra. Le calme des lieux, le parfum des pins, la lumière dorée de la Méditerranée… j’aurais pu y passer la journée entière.

Une ville de contrastes et de poésie

Ce qui m’a bouleversée à Gênes, c’est le contraste permanent. On passe des ruelles sombres du centre à des points de vue lumineux sur la mer. On croise des immeubles décrépis jouxtant des palais fastueux. On entend parler italien, mais aussi génois, anglais, arabe, espagnol. Gênes est un carrefour, un mélange, une ville qui respire mille identités.

Un soir, alors que je rentrais à pied vers mon hôtel dans le quartier de San Vincenzo, j’ai entendu un homme jouer du bandonéon sur la Piazza della Nunziata. Il jouait un tango. La musique remplissait la place vide, et le bruit des voitures semblait s’estomper. J’ai fermé les yeux un instant. J’étais à Buenos Aires, à Marseille, à Naples — partout et nulle part à la fois. Voilà ce que Gênes m’a offert : un sentiment d’appartenance à quelque chose de plus grand que soi.

Les lieux secrets que j’ai découverts par hasard

1. Le jardin suspendu de Palazzo del Principe

Il ne figurait pas sur ma liste initiale. Et pourtant, c’est là que j’ai trouvé un havre de paix, à quelques minutes de la gare. Ce palais était la demeure d’Andrea Doria, l’amiral légendaire de Gênes. Le jardin, avec sa fontaine de Neptune et ses allées ombragées, est une invitation à la contemplation.

2. L’ascenseur panoramique de Spianata di Castelletto, de nuit

J’y étais déjà montée en journée, mais une nuit, j’y suis retournée par hasard. Le panorama nocturne sur la ville éclairée, les clochers dorés, les bateaux dans le port… c’était presque irréel. Un moment de pure magie.

3. La crypte de la cathédrale San Lorenzo

Moins visitée que la nef principale, la crypte abrite des fresques anciennes et une atmosphère chargée d’histoire. On entend à peine ses pas. C’est un lieu où le temps semble suspendu.

Mon dernier jour : un adieu difficile

Le matin de mon départ, j’ai pris un dernier café au Caffè degli Specchi, sur la Piazza San Matteo, l’un des endroits les plus élégants de Gênes. Les bâtiments gothiques, la lumière douce du matin, les serveurs en veste blanche — tout semblait vouloir me retenir encore un peu.

Mon sac était prêt, mais mon cœur, lui, ne voulait pas partir. J’ai acheté une carte postale que je me suis envoyée à moi-même. Une image de la vieille ville, en noir et blanc. Derrière, j’ai écrit simplement : “Merci.”

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